Sir Na Kraïou
Hey,
J’ai fait un an, donc j’ai un peu vu e-lyco, et je confirme la nullité du bousin. Plus globalement, je suis assez sceptique sur l’usage des espaces numériques de travail (pour le lycée, en tous cas). Genre, les fonctions de base, tu mets les devoirs ou des petits trucs complémentaires à voir avant ou après un cours, pour préparer ou compléter : les élèves s’en foutent, et en fait, les seuls qui ne s’en foutent pas sont ceux qui n’en ont pas vraiment besoin, vu qu’il s’agit des plus sérieux, ceux qui savent utiliser et consulter leur agenda ou qui sont curieux par ailleurs.
Il y a aussi un aspect aussi « flicage » en direct, avec l’informatique (les parents qui sont informés en temps réel des notes, des absences, des retards, etc.), parfois c’est limite malsain.
Plus globalement, on a l’impression que les gus de l’éducation nationale, ils ont découvert l’informatique, ils ont des étoiles plein les yeux, ils s’excitent comme des cabris, et ils veulent en foutre partout. Le tout sans aucune prise en considération des enjeux divers et variés qui tournent autour (ou alors uniquement sur des points capitalistes : quand j’ai passé le C2i2e, la formation pour ceux qui veulent enseigner, l’essentiel de la partie idéologique/juridique, c’était le droit d’auteur, limité à sa dimension commerciale − alors que le droit d’auteur est également la base du logiciel libre, par exemple), ni même des capacités matérielles (ouais, je vais vachement utiliser un service en ligne super lourd en cours alors que j’ai un ordi qui rame, une connexion qui est en rade une fois sur trois… un schéma au tableau, au moins, ça buggue pas). En formation, ça donnait carrément l’impression que l’informatique n’est pas un outil au service du cours, mais que le cours est un outil au service de l’informatique.
Après, pour aller plus loin que le constat d’une réalité qui, dans les faits, est un usage de l’informatique en tant que gadget et qu’objet de consommation, je n’ai pas de réflexion approfondie sur le sujet et sur ce qui serait souhaitable (l’utilité pédagogique de l’informatique, la nécessité de préparer spécifiquement les gamins aux nouvelles technologique ou la possibilité de leur donner une éducation générale qui leur donne des outils pour s’en sortir ensuite avec ça, etc.). Dans l’absolu, j’ai été surpris par les positions très tranchées et très manichéennes des gens : la plupart sont soit radicalement anti-informatique (limite : si les gamins ne savent plus écrire, c’est parce que le prof les a collé devant un ordi, un jour), soit radicalement pro-info (si tu émets la moindre critique ou la moindre nuance à l’égard de l’usage des ordis en classe, si tu évoques la possibilité d’apporter des choses intéressantes aux élèves de façon traditionnelle, tu es juste un infâme réac’ qui n’a rien pigé à la vie). En fait, je pense que c’est possible de faire des trucs bien ou des trucs pourris avec ou sans ordis, en particulier sur ce qui est fondamental (lire, écrire, avoir un esprit scientifique, un esprit critique, des capacités d’adaptation, etc. : tout ça, tu peux l’apprendre de différentes manières, il n’y a pas qu’un chemin…), et de toute façon, si un élève voit plein de profs et de façons de faire, ce n’est peut-être pas si mal.
J’ai peut-être aussi une vision d’ex-gamin qui a appris l’informatique et ses enjeux, mais aussi ses usages sociaux, tout seul, dans sa chambre. J’ai dû mal à concevoir ça comme un objet scolaire, c’est trop limitatif. En plus, j’ai tendance à trouver que le scolaire bride, formate. Après, faut pas se faire d’illusions, de toute façon, les gamins qui utilisent un ordi pour aller bidouiller sur Linux ou pour aller débattre sur des forums, pour expérimenter des techniques ou des idées, c’est ultra-minoritaire.
Enfin, franchement, pour les profs, et probablement encore plus pour les profs des écoles, c’est juste un truc en plus, qui prend du temps et qui saoule. Souvent, ça se rapproche du bullshit job : alors que le cœur du métier, c’est préparer un cours et le faire, tu te retrouves à devoir te former, à faire des comptes rendus dont tout le monde se fout (genre le cahier de texte en ligne où tu dois laisser une trace de ton cours), à te battre contre des bugs, à « innover », etc. etc. De ce que j’ai vu, il n’y a pas de résistance frontale et organisée, parce que les gens seraient tout de suite stigmatisés comme réac’ ou parce qu’ils ne veulent pas trop dire qu’ils maîtrisent mal l’outil informatique. Par contre, il y a une espèce de résistance passive, les gens traînent les pieds, ne s’y investissent pas du tout.