sucarno a écritPour ma part, je me pose la grande question :
"Pourquoi on naît, puisque on va mourir à la fin ?"
Je reviens sur cette question qui m'a travaillé pas mal hier soir avant d'aller me coucher (tout en regardant le match d'ouverture de la Coupe d'Europe France-Roumanie). J'ai tourné en rond, j'ai cherché des réponses perso sans succès alors ce matin je suis allé chercher quelques propositions de réponses chez nos vieux amis Grecs.
Je crois bien que ta question soulève au fond la question du sens (= que faisons-nous là au juste ? dans quel but?) mais aussi et surtout : celle d'une forme d'angoisse face à la mort. C'est sur ce dernier aspect que j'ai plutôt envie de rebondir ce matin.
D'Homère à Platon et en allant jusque chez les stoïciens, et en restant que dans le domaine d'une sagesse purement
laïque, voici quelques pistes possibles :
- le sage est celui qui accepte la condition de mortel en étant capable d'affronter toutes les peurs (sociales, économiques, psychiques etc...) et de les surmonter : comment ? Vaste programme ! Par la contemplation, par la méditation peut-être, par un long travail sur soi-même aussi. C'est Confucius, je crois qui serait l'auteur de cette jolie formule : « Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même. »
- le sage est celui qui arrive à vivre pleinement au présent en s'arrachant à la pensée du passé et du futur qui nous empêchent sans cesse de mieux vivre au présent : c'est le fameux
amor fati, c'est à dire l'amour de ce qui est là, devant nous tout simplement sans ressasser le passé (avec les sentiments du regret, de la nostalgie, ou des souvenirs de souffrance...) ni se tourner sans cesse vers l'avenir avec l'espoir que
ça ira mieux demain quand on aura, par exemple, changé de voiture, ou de femme, ou de maison, ou qu'on aura fait un nouveau voyage ou trouvé un nouveau Dieu etc etc... Mais comme tout cela est très difficile, voire même quasiment impossible, disons plutôt que
le sage est celui qui arrivera à regretter un peu moins et à espérer un peu moins ! arriver à ça sera déjà pas mal ! 😛
- le sage est celui qui devient alors un "fragment d'éternité" en n'ayant eu de cesse que de chercher à s'élever par la pensée. Dans la pensée stoïcienne, lorsque le sage parvient à s'ajuster à l'ordre du monde et à vivre en harmonie avec lui-même alors il devient un "fragment d'éternité" puisque, dans cette pensée -comme dans une large part de la pensée grecque antique d'ailleurs- le Cosmos est éternel. Les stoïciens n'arrêtent pas de le répéter dans leurs œuvres : la mort n'est pas effrayante, ce n'est qu'un passage de l'état de vivant à l'état de matière inanimée mais ce n'est pas une perte ni un néant, mais seulement une transition. Lorsqu'on est un fragment d'éternité on est soi-même éternel, on est un atome du Cosmos.
Voici ce que nous dit à ce sujet un beau texte d'Epictète qui dialogue avec un disciple :
« Les feuilles tombent, la figue sèche remplace la figue fraîche, le raisin la grappe mûre, voilà selon toi des paroles de mauvaise augure ? En fait, il n'y a là que la transformation d'états antérieurs en d'autres états. Il n'y a pas de destruction mais un aménagement et une disposition bien réglés. L'émigration n'est qu'un petit changement, -chez les Grecs l'émigration est une punition redoutable, elle signifie une forme de bannissement de la Cité qui est une des formes du Cosmos- , la mort en est un plus grand. C'est ce que nous sommes actuellement qui va mourir mais pas la totalité de ce que nous sommes.
- Alors je ne serai plus ? demande le disciple
-
Tu ne seras pas ce que tu es, mais tu seras autre chose dont le monde aura tout autant besoin. »
Moi j'aime bien cette perspective. Et toi ?
Bien sûr rien n'empêche de critiquer cette philosophie stoïcienne ni d'aller chercher ses limites et de se dire que ce n'est pas elle qui te libérera totalement de ton souci (ni totalement du mien d'ailleurs non plus ) ! Et que ta question demeure toujours présente et sans véritable réponse satisfaisante. M'enfin, faut quand même bien chercher des pistes... 😉