groin a écrit"Un cours magistral".
Au président la rhétorique guerrière, au premier ministre l'explication de texte.
Une intervention qui rejoue donc pour la ènième fois le partage des tâches immuable sous la cinquième république, ses rites et conventions ; censée "faire le point" et "apporter toute la transparence nécessaire", elle réussit l'exploit de n'apprendre rien à personne, faisant se succéder longuement des "informations" déjà disponibles dans les journaux, à la télé, à la radio, sur internet. Quelques promesses performatives, qui seront complaisamment reprises dans les "débriefs" médiatiques, où l'enthousiasme des journalistes sera vite tempéré par les témoignages des professionnels sur le terrain.
Surtout, il s'agissait de s'abriter derrière l'expertise scientifique - le pragmatisme n'exclut pas la mise en scène, jamais.
Nous avons donc des sommités de l'administration de la santé, de haut-responsables de la recherche scientifique, chargés de rassurer, d'expliquer, de "faire preuve de pédagogie" car encore une fois, comme toujours, les français ont du mal à comprendre et reconnaître les mérites de leur exécutif démocratiquement élu, c'en est rageant.
C'est vrai que les hautes sphères de la recherche, de la médecine et de la santé nous sont inaccessibles, en tout cas peu connues, et pour cause.
Et il est assez drôle de confier une mission d'explication populaire à ceux-là qui favorisent, et même prônent, une opacité totale de leurs actions.
Mais surtout, il faut bien voir que, comme il existe un journalisme de complaisance, il existe un scientisme de complaisance. Le scientifique indépendant du pouvoir, s'il n'est pas qu'un mythe, se retrouve rarement aux plus hauts postes. Ceux qui occupent ces postes, dans la haute administration ou dans les agences gouvernementales, ont tous en commun une certaine ambition personnelle, et pour quelques un.es, un arrivisme certain. Il n'est pas surprenant de les voir soutenir ceux qui les ont placés à ces postes prestigieux, comme l'actuel directeur de la santé, encore moins quand leur ministre de tutelle est issu de leurs rangs - et que celui-ci ait voulu par le passé supprimer la Sécurité Sociale, et diminuer encore plus le nombre de lits dans les hôpitaux est juste la preuve que "les médecins" ne forment pas une communauté homogène, loin de là.
Une affiche de Mai 68 proclamait : "En médecine comme partout, plus de grand patron". En 2020, force est de constater qu'en médecine comme partout, les grands patrons sont toujours là. Les "pontes", les "mandarins" s'arrogent toujours l'exclusivité de la compétence, et l'oreille du gouvernement, du haut de leurs chaires prestigieuses ; un prestige auto-réalisateur qui, comme pour les haut-fonctionnaires dont ils sont les plus nobles représentants, ne les protège pas de l'inaptitude et de l'incompétence. Système de cooptation et de renvois d'ascenseurs totalement opaque au commun des mortels, l'administration française de la santé est peut-être l'un des pires exemples français de bureaucratie dysfonctionnelle et anti-démocratique. Il ne s'agit pourtant pas de défendre contre une caste la figure d'un "franc-tireur" qui par ailleurs reproduit toutes les tares du système, arrogance, aveuglement et rapport trouble à l'argent.
Ce qui est important, c'est que de ces "cautions" scientifiques nous ne savons rien. Qui sont les membres de ces "sociétés savantes", de ces "conseils scientifiques" derrière lesquels s'abritent le premier ministre et son gouvernement? La première transparence serait a minima de le préciser, quels noms, quels postes, quelles références? Et s'il s'agit de transparence, pourquoi ne pas publier sous leurs noms leurs sources de revenus, leurs "ménages" et les potentiels conflits d'intérêt qui s'y rattachent?
Alors peut-être constaterait-on que la science et la médecine sont tout aussi perméables aux connivences, à la corruption et au favoritisme, et à l'imbrication catastrophique des intérêts privés dans la machine étatique. Reniement de leur mission d'intérêt public, et pour les aristocrates de la médecine, reniement d'un serment d'Hippocrate que leurs décisions mettent parfois à mal.
Où étaient-ils quand l'hôpital criait sa misère?
Où étaient-ils quand les praticiens eux-mêmes, leurs soi-disant "pairs" leur rappelaient la réalité d'un terrain qu'ils ne connaissent plus, certains depuis plusieurs décennies?
Où sont-ils maintenant que leurs choix éclairés montrent leur nullité et leur dangerosité?
Ils sont là où ils ont toujours été : au chaud dans leurs sinécures prestigieuses, légion d'honneur au revers, balayant toute objection avec l'auguste mépris des sachants, finissant par croire à leur mérite, ayant tout oublié des courbettes qui les ont fait nommer à leur poste.
Et c'est pourquoi on les retrouve, serviles, inexpugnable alibi d'un exécutif en crise, pour nous apporter leurs lumières - ces lumières qui n'éclairent rien ni personne, mais créent l'ombre nécessaire à leurs arrangements.
2020 : En médecine comme partout...