Bonjour Netsupra,
Bravo pour ton enthousiasme pour la communauté du libre et contre la vente liée, je soutiens complètement ton action en mettant des bémols cependant :
- Quel soutien attends-tu concrètement : recherche, argent, présence lors d'une audience, envoi de lettre ?
- J'ai fait un peu de droit des affaires européen (car en l'occurence ce genre de question est surtout une histoire de droit européen directement applicable et non transposable par le Droit du pays membre) et j'ai justement travaillé sur un cas Microsoft (mais il s'agissait de la question IE) ainsi qu'un cas Intel, qui a été condamné pour exactement la même pratique (interdire aux constructeurs clients d'installer AMD en échange de réductions du prix).
Tout ce que je peux te dire, c'est qu'avant de juger que cela est illégal ou non, il faut comprendre que la question est très très complexe, et que les juristes de chez Microsoft peuvent employer maintes interprétations des textes juridiques et approximations pour rendre ce problème encore plus complexe. De plus, Microsoft a un département Droit européen spécialisé dans les questions de vente liée, anti-trust, etc. et il est tout à fait impossible de lutter contre eux en tant que personne individuelle. Je ne sais pas ce qu'il en est de Sony.
Par ailleurs, ce que je dis est partiel, je suis pas juriste et je suis qu'étudiant. Je peux tout de même te retrouver les textes de loi peut-être si tu le veux.
Edit : En complément à ce que j'ai dit précédemment, je tiens à dire que je ne suis pas étudiant en droit, mais juste en école de commerce ayant eu des cours de droit des affaires, et je n'ai aucune autorité en la matière, vérifiez donc ce que j'affirme. Néanmoins, à moins de me tromper, je crois que pour cette affaire :
-
c'est une question de Droit européen, et non de droit national (le traité de Lisbonne étant directement applicable sans besoin d'être transposé aux pays membres). Je rappelle que le Droit européen est supérieur au Droit français ou belge.
- les clauses anticoncurrentielles qui consistent à proposer une offre commerciale à un client en lui interdisant de se fournir auprès d'un autre fournisseur sont
illégales pour la vente d'un produit dans un pays membre de l'UE (donc Belgique ou France peu importe, et quel que ce soit les pays impliqués financièrement ou dans la chaine de production) (en gros, mais la question est bien plus complexe).
- cette question est du ressort, pour les pays membres de l'UE, du TGI européen ou, en cas d'appel, de la cour européenne de justice. Cela peut aussi passer devant la Commission européenne en cas d'enjeux importants, comme pour
le procès Intel / AMD. Il s'agissait d'un article du traité de 57 ou de 91, je ne me souviens plus, mais aujourd'hui c'est obsolète : il faut se référer désormais au traité de Lisbonne, mais je suis sûr que cet article a été transposé. Quoi qu'il en soit, c'est l'article 82 de ce traité. Voici des
extraits de l'article en question.
- Comme tu le vois, ce texte est très vague : "[Il est interdit de] appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur
infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence". Autant dire qu'avec si peu de précision, Microsoft a plus d'un argument pour prouver qu'il n'y a rien d'anticoncurrentiel dans sa pratique. Sans compter les habituels "cassations" de jugement pour vice de procédure complètement anecdotique : voir ici un
exemple.
- Cependant,
il y a jurisprudence en la matière, et pas seulement avec le cas Intel, et le cas est ici assez similaire.
- Par contre, il faut qu'il y ait
une enquête de la commission. C'est très formel, cela coûte beaucoup d'argent, et il faut qu'ils aient la motivation de le faire (autant dire que tu n'arriveras pas à les motiver tout seul). Sans cela, il n'y a pas de preuve (un enregistrement d'un commercial disant que Microsoft interdit la vente de Linux sur des Viao par téléphone est largement insuffisant en la matière), et il faut donc également que l'enquête trouve des preuves tangibles (car tu peux me croire que Sony et Microsoft ont tout fait pour éviter de laisser des preuves, je ne pense pas que cette clause soit écrite noir sur blanc, ou du moins de façon claire. Et il y a beaucoup de non-dits dans ces histoires : bien que ce ne soit pas écrit, tous les constructeurs savent qu'en appliquant pas la loi Microsoft, ils auront moins de réduction, cependant ce n'est écrit nulle part : comment le prouver donc ?)
- Pour vraiment saisir la justice européenne, il faut que parmi les parties plaignantes se trouve une association ou une entreprise directement impliquée dans ce business (par exemple Canonical).
- Enfin, ces procédures coûtent du temps et de l'argent, il y a énormément de pression, et lors du procès AMD / Intel, il y a eu des cas de mise sur écoûte et il faut savoir ce que l'on fait avant de s'engager dans une histoire antitrust. On peut y laisser des plumes d'un point de vue personnel.
- Par ailleurs, en qualité de personne individuelle, tu passeras pas en priorité : autant dire que tu vas attendre longtemps, et que la question sera réglée rapidement en ta défaveur. Si tu veux avoir du poids, alors il va falloir qu'une entreprise (ou plusieurs) directement impliquée dans cette affaire ou des associations importantes prennent part à la question. Je te conseillerais comme démarche de déjà t'informer sur la question puis avant tout d'essayer de faire jouer les contacts (si tu en as) pour
mobiliser des grosses associations (qui rappelons-le, ont déjà bien d'autres occupations) ou de grosses entreprises. D'un point de vue pragmatique, je reste persuadé, étant donné qu'avec l'OMC, la Commission européenne est le lieu avec la plus forte concentration de lobbyistes dans le monde, que pour qu'une telle affaire prenne, il faut que les parties plaignantes soient constituées de groupes puissants ayant le pouvoir et, disons-le franchement, les moyens de convaincre. C'est hélas la triste vérité et le quotidien des députés, des experts choisis par la Commission et des hommes de droit européen.
Enfin, je tiens à préciser que je ne m'intéresse ici qu'à la question de l'interdiction de proposer des PC Ubuntu, et non à la vente liée elle-même. De plus, bien que le Droit européen soit supérieur au droit national, s'il existe des textes nationaux contre la pratique dont il est question, et que ceux-ci ne contredisent pas le Droit européen (et ça m'étonnerait que ce soit le cas), alors c'est tout à fait pertinent de s'attaquer à la question d'un point de vue national, ce qui fait que les liens proposés par Kouskous sont tout à fait pertinents pour moi, et que la question de savoir si c'est une question de droit français ou belge peut alors se poser.
Quoi qu'il en soit, vérifiez les sources de mes dires en cas de doute ! Bon courage