Berneri a écritj'ai tendance à penser que les positions de principes là-dessus font plus de mal que de bien.
J'ai tendance à penser que sans positions de principes on livre les populations aux intérêts des puissants. En fait, de ça, j'en suis totalement convaincu, en tout domaine ... c'est une position de principe de le penser ! :p
Berneri a écritParce qu'il y a une diversité de situations personnelles des parents, comme il y a une diversité de maladies génétiques (ou congénitales, ce n'est pas la même chose) et que, en dernier ressort, les parents sont à mon avis les mieux placés pour juger de leur capacité à élever un trisomique, un myopathe, etc…
Il en va de même pour toute situation sociale.
Je peut te faire les mêmes remarques au sujet des conditions de travail, mon discours ressemblera alors à celui d'un libéral économique radical.
Si les parents sont in fine les mieux placés pour juger de leur capacité à élever un trisomique, il semble pourtant qu'ils n'aient pas grand chose à dire dans l'arène politique à ce sujet. A moins que les conditions ne soient pas réunies pour que leurs avis soient pris en compte, ni même être entendus et encore moins nourris de la contradiction afin d'être éclairés. Ils baignent comme tout le monde dans une doxa qui est pondue par des types dont je réprouve les visions politiques générales.
Pour moi les parents ne sont pas les mieux placés pour décider en dernier ressort ... mais en premier ressort et en dernier ressort. Encore faut-il qu'on leur donne le moyen de pouvoir décider en premier et en dernier ressort.
Berneri a écritAprès, le pouvoir normatif de la société doit pouvoir se mesurer.
Grâce à un moteur de recherche ultra-puissant j'ai réussi à trouver des choses qui vu de loin peuvent sembler intéressantes, genre :
Pression sociale et fécondité : la dimension socio-démographique de la procréation.
Le recours à la technique de procréation médicalement assistée. Étude de quelques trajectoires de couples algériens
Il y a une certaine Virginie Rozée et une certaine Magali Mazuy qui ont l'air d'avoir bosser là-dessus.
Par exemple : Vouloir et avoir un enfant en France : valorisation de la filiation biologique (c'est déposé chez HAL mais pas accessible en ligne dans les archives ouvertes). Le résumé pose bien le sujet :
Il existe en France une pression sociale à devenir parent qui est assez forte et qui s'exerce à tous les niveaux : de l'impatience à avoir un enfant à l'engagement dans un parcours long d'assistance à la procréation en cas de réelle infertilité dans le couple. Le sentiment d'infertilité a fortement augmenté au cours des dernières décennies et est largement diffusé au sein de la société. Cette pression à avoir un enfant est doublée d'une pression à concevoir un enfant biologique, exacerbée par les progrès des techniques médicales d'aide à la procréation. Le recours à l'aide médicale à la procréation n'est pas négligeable : 5% des naissances sont consécutives à un traitement médical. Nous avons réalisé une recherche sociodémographique sur l'infertilité ressentie et la pression sociale à concevoir en France, basée sur les données issues d'enquêtes nationales quantitatives et d'un corpus de données qualitatives que nous avons nous-mêmes recueillies (Mazuy, Rozée, 2008). Nous présentons ici les résultats de cette étude qui montrent que les couples infertiles ont tendance à privilégier une filiation biologique: ils s'engagent massivement vers une solution médicale et peu au final choisissent d'adopter.
Ce sujet est tout à fait concomitant aux sujets politiques du moment sur l'accès des couples homosexuels à la filiation biologique grâce à la PMA et la GPA.
Berneri a écritJe me demande si il y a des enquêtes de sociologie qui le font pour des IVG liés à des maladies génétiques ou congénitales.
C'est sur qu'il doit y en avoir.
Jean-Yves Nau nous parle d'un article de
Laurent Alexandre (assurément un joyeux personnage) paru dans le journal de référence.
Eradiquer les trisomiques, bien qu’ils soient doux (1)
Eradiquer les trisomiques, bien qu’ils soient doux (2)
Je sort deux citations du texte de Jean-Yves Nau qui illustrent parfaitement ce que j'ai en tête, mais ce n'est pas comme si nous n'en avions
jamais parlé tous les deux..
La première est de Laurent Alexandre, qui a des intérêts direct à ce que son discours idéologique deviennent pure réalité vu qu'il fait dans le business de l'ADN. Et que comme tout capitaliste qui se respecte il a à disposition les appuis médiatiques nécessaires pour que « Le retour de l’eugénisme » soit et reste à jamais « une bombe éthique et politique passée complètement inaperçue. »
Les types de cet acabit là, ils me font largement plus flipper que les pires fascistes politico-médiatiques qu'on puisse trouver en Europe. Genre Udo Voigt, c'est un type qui ne pose pas beaucoup de soucis socialement parlant quand on le compare à Laurent Alexandre.
Comme une évidence pour moi-même à moi-même, il me semble parfaitement clair que le fascisme réel ne viendra pas des partis d’extrême-droite et néo-nazis, qui ne sont là que pour amuser la galerie, mais des partis de droite bon teint, entre Alain Madelin (dont le fascisme avéré est dissimulé à toutes occasions, bien que sa place médiatique soit désormais quasi-nulle) et Jacques Attali par exemple.
Laurent Alexandre dans le journal de référence a écrit« Nous avons quasiment éradiqué la trisomie 21 en trente ans, bien que les trisomiques soient doux, aient une espérance de vie normale et ne souffrent pas. Pourquoi ferions-nous demain autrement avec les autres pathologies ? Politiquement, comment empêchera-t-on les parents de préférer de "beaux enfants plutôt doués" alors que l’avortement pour convenance personnelle est libre, quelle que soit la constitution de l’embryon, et que l’avortement pour handicap intellectuel (trisomie 21 en tête) est légal, socialement accepté et encouragé par les pouvoirs publics ? Et nous irons probablement plus loin : de la prévention du pire à la sélection de l’enfant, il n’y a qu’un pas qui sera allègrement franchi. On offrira bientôt aux parents le rêve d’un enfant configuré à la carte. Si le diagnostic prénatal permet l’"élimination du pire" – on supprime le fœtus présentant des malformations –, le diagnostic préimplantatoire, lui, représente la "sélection des meilleurs" – on trie les embryons obtenus par fécondation in vitro. L’acceptabilité par les parents sera forte dès que les derniers effets secondaires de la fécondation in vitro seront contrôlés, et il sera moralement moins dérangeant de supprimer des embryons en éprouvette qu’un fœtus dans le ventre. Le retour de l’eugénisme est une bombe éthique et politique passée complètement inaperçue. D’ailleurs, ni M. Hollande ni M. Sarkozy n’ont jamais parlé du séquençage ADN ! »
La seconde citation est de
Didier Sicard en réponse à Laurent Alexandre.
Didier Sicard toujours dans le journal de référence a écrit« Le cas des trisomies 21 et 18 en est un exemple paradigmatique, ajoutait-il. Tout s’est passé comme si, à un moment donné, la science avait cédé à la société le droit d’établir que la venue au monde de certains enfants était devenue collectivement non souhaitée, non souhaitable. Et les parents qui désireraient la naissance de ces enfants doivent, outre la souffrance associée à ce handicap, s’exposer au regard de la communauté et à une forme de cruauté sociale, née du fait qu’ils n’ont pas accepté la proposition faite par la science et entérinée par la loi. En France, la généralisation du dépistage est, certes, fondée sur la notion de proposition, mais dans la pratique il est, de fait, devenu quasi obligatoire. Le dépistage de la trisomie concerne désormais en France, gratuitement, la quasi-totalité des grossesses. Osons le dire : la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l’eugénisme. »
Comme quoi j'ai beau être un gros connard allumé au LSD (ne prend pas pour toi-même, Berneri, ce ton qui m'est si particulier a priori), les questions qui me chagrinent à ce sujet on l'air d'être tout à fait réalistes et on dirait bien qu'elles préoccupent d'autres types dont le niveau intellectuel et pratique dans ce domaine est à des années-lumières de celle de la plupart des intervenants du forum ubuntu-fr.org, de la plupart des gens.
Pour autant la magie de la politique, de la vrai politique, m'offre la possibilité d’accéder à un même niveau de compréhension sociale du phénomène qui nous occupe là. L’eugénisme est un sujet qui doit être ouvert à tous et qu'il est impératif de mettre en exergue sur la place publique, sinon, c'est Laurent Alexandre et ses amis qui gagneront. Et moi, je veux qu'ils perdent, qu'ils perdent dans les grandes largeurs, sur tout ce qu'ils possèdent et sur tout ce dont ils ont déjà gagné à l'heure actuelle. Je veux leur défaite idéologique. Et pour cela, il est nécessaire de se débarrasser des pisse-tièdes et autres zélateurs d'un juste milieu convenu, convenu à l'avance et édicté par Laurent Alexandre et ses amis.
Je reprend donc à mon compte une autre citation de Didier Sicard, répondant au fait que « le phénomène [du dépistage prénatal systématisé] se développait dans un espace démocratique, les interruptions médicales de grossesse étant proposées, jamais imposées. »
Didier Sicard toujours dans le journal de référence a écrit« Certes, rétorquait-il. Mais ces propositions s’inscrivent dans une dimension sociale. Dans une société idéale, on pourrait imaginer que des parents informés puissent décider qu’ils ne peuvent pas accepter la naissance d’un enfant atteint de telle ou telle affection grave. Je ne suis pas certain que ce soit à la société d’intervenir dans le choix de ces parents. Et il me paraît hautement préoccupant que l’on passe d’un dépistage généralisé à une forme d’éradication sociale. »
Voilà, tout est là et une fois de plus la seule différence fondamentale qui nous séparera sur ce sujet, j'imagine, tiendra dans un optimisme, le tien, opposé à un pessimisme, le mien.
Mais je suis convaincu que ton optimisme, même relatif, est fortement induit par tes pratiques et ton milieu professionnel. Par ta formation professionnelle, et que, vu de chez moi, tu me sembles parfois aveugle aux conséquences idéologiques de certaines "avancées" scientifiques du fait même de ton inclusion professionnelle dans ce milieu. Faire la critique radicale de ce qui nous nourri, dans tous les sens du terme, ça n'a rien d'une sinécure (parce que ça n'est pas drôle de se rendre compte qu'on agit contre ses propres principes dans le cadre de son travail et qu'on ne peut rien y faire à moins d'être dans les très hautes instances décisionnelles, d'où l'idée que le socialisme, ça pourrait p't'être bien être un truc pas mal ... m'enfin bon). Pourtant il faut la faire, sans ambages, sinon se sont les guignols habituels qui la feront.
Et puis je réitère qu'on ne peut pas se permettre de se défausser sur les individus (les parents) juste comme ça, comme ça nous arrangerait bien. Parce que Laurent Alexandre existe et qu'il gagne, tout comme ses petits copains. Que gagne-t-il ? Les esprits, comme on dit.