voilà de la lecture très intéressante...
... pourvu que le conseil constitutionnel invalide ce texte ...
quelques extraits "choisis" (en vrac) au fil de la lecture de ces 13 pages...:
Or, en l’espèce, l’intervention du juge judiciaire ne constitue qu’un habillage commode pour contourner votre décision du 10 juin 2009 et ne saurait donc tromper votre vigilance. Le dispositif mis en place par le législateur prévoit deux procédures différentes : une procédure pénale simplifiée s'appliquant pour les délits de contrefaçon commis au moyen d'un service de communication au public en ligne au mépris du respect des droits de la défense et une procédure aboutissant à une contravention pour « négligence caractérisée », fondée sur une présomption de culpabilité.
Ainsi, le législateur n’a pas renoncé à mettre en place un système disproportionné et approximatif de sanctions incompatible avec nos principes constitutionnels. Ces nouvelles procédures n’offrent pas aux justiciables les garanties procédurales suffisantes au regard des sanctions encourues alors que celles-ci portent une atteinte grave à la liberté d’expression des abonnés condamnés.
Au-delà, il est tout aussi flagrant que le législateur n’a pas tenu compte de votre décision du 10 juin 2009 par laquelle vous preniez soin de rappeler que « les atteintes portées à la liberté d’expression doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi ». Or, en punissant l’infraction dite de « négligence caractérisée » par la coupure de l’accès à Internet, il est peu de dire que le législateur a établi une sanction évidemment et manifestement disproportionnée. Constitue, en effet, une disproportion manifeste le fait de sanctionner une « négligence caractérisée » – notion dont le flou est au demeurant peu compatible avec le principe de légalité des délits et des peines – par une mesure portant une atteinte grave à une liberté fondamentale – la coupure de l’accès à Internet. En créant cette infraction le législateur ajoute à la confusion et s’écarte de toute proportion quant à l’échelle des sanctions.
Il est tout aussi constitutionnellement étrange d’établir par la loi une sanction dont tout le monde sait que la mise en œuvre ou non dépendra des réalités techniques. Autrement dit, comme cela a été souligné par l’ARCEP, les réalités du dégroupage ne permettent pas d’appliquer la suspension de l’accès à l’Internet dans les mêmes conditions sur l’ensemble du territoire. En effet, dans les zones non dégroupées, il sera difficile techniquement de maintenir au profit de l'abonné un service de téléphonie IP si, dans le même temps, l'accès à Internet est coupé. Dès lors, il est manifestement contraire au principe d’égalité devant la loi pénale d’établir une sanction dont la mise en œuvre ne sera pas la même sur l’ensemble du territoire national et dépendra des contingences techniques. Si, par extraordinaire, vous validiez les dispositifs procéduraux soumis à votre appréciation, il n’en serait pas moins acquis que la présente loi ne pourrait entrer en vigueur qu’au jour où la sanction prévue pourra être appliquée uniformément sur l’ensemble du territoire.
Soit l'établissement du procès verbal conduit le parquet à engager une procédure pour délit de contrefaçon. Dans ce cas, l'article 495 du code de procédure pénale laisse à penser qu'un complément d'instruction devra être réalisé afin que les faits reprochés à l'abonné soient « établis ». La force probante de ces procès verbaux sera celle du droit commun fixé par l'article 430 du code de procédure pénale en vertu duquel : « les procès-verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu'à titre de simples renseignements ».
Soit l'établissement du procès verbal conduit le parquet à engager une procédure pour « négligence caractérisée ». Dans ce cas, le procès verbal constituera l'unique élément permettant la condamnation des abonnés. En matière de « négligence caractérisée », l'adresse IP constituera le seul élément de preuve permettant la condamnation des abonnés. Suivant cette logique, le pouvoir de la HADOPI consistera donc à « constater les faits constituant la négligence caractérisée ».
Or, la garantie des droits des citoyens impose, dans le cadre d'un tel contentieux, qu’une audition soit réalisée au stade de la constitution du dossier d'incrimination tout particulièrement lorsque, durant la phase de jugement, il est prévu une procédure pénale simplifiée sans audience. De telles dispositions laissent en effet la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre d’un abonné dont l’identification n’aura été faite que de manière indirecte, c’est-à-dire à partir du relevé de son adresse IP. Surtout, ce dispositif permettra ainsi qu'une sanction de suspension de la connexion soit prononcée par le juge sans qu'à aucun moment, les abonnés suspectés aient été entendus.
Or, il importe à cet égard de souligner le fait que les agents de la Commission de protection des droits ne constatent rien personnellement alors qu'en vertu de l’article 429 du Code de procédure pénale, « Tout procès-verbal ou rapport n'a de valeur probante que s'il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l'exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu'il a vu, entendu ou constaté personnellement ».
Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer cet article et partant l’ensemble du texte dont il est indissociable.
Alors que la présente loi crée deux procédures alternatives pour des faits identiques, aucun critère ne permet raisonnablement de savoir laquelle des deux procédures instituées sera choisie par le parquet, les ayants droit ou la HADOPI.
Dans votre décision 2002-461 DC du 29 août 2002, vous avez considéré que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l'existence d'une procédure juste et équitable ».
Or, cet article méconnaît manifestement le principe d'égalité et prive les abonnés suspectés des garanties d'une justice équitable.
Si votre juridiction a décidé que la suspension de l'accès à Internet ne peut être prononcée que par le juge judiciaire c'est parce qu'une telle sanction affecte l'exercice de la liberté fondamentale d'expression et de communication qui « est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés ». L'intervention du juge judiciaire constitue en effet une garantie du respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence. Or, ces principes ne peuvent être sérieusement garantis dans le cadre d'une procédure pénale simplifiée. Il s'agit en effet d'une procédure écrite, non contradictoire, rendue par un juge unique.
Le contentieux concerné par la loi pose à l'évidence des problèmes de preuve qui ont d'ailleurs conduit votre juridiction à exiger que toutes les garanties procédurales soient assurées. Sans revenir sur les explications avancées dans le cadre de la première saisine, les simples relevés d’adresses IP sont des éléments de preuve éminemment discutables et contestables qui se doivent d’être discutés dans le cadre d'une procédure contradictoire.
Ainsi, dans le cadre de la décision 2002-461 DC, vous avez admis le recours aux ordonnances pénales en relevant comme une garantie le fait que la loi réserve la procédure simplifiée aux cas où «…il résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis... ». Dans la présente loi, les faits reprochés au prévenu ne seront nullement établis puisque la loi prévoit qu’ils sont « susceptibles de constituer un manquement… ». L’incohérence du dispositif mérite ici d’être soulignée puisque le recours aux ordonnances pénales suppose que « les faits soient établis ».
Ce contentieux pose enfin la délicate question de l'indemnisation des victimes. En effet, la procédure des ordonnances pénales exclut par principe que le juge statue sur les demandes de dommages et intérêts des parties civiles.
Or, en prévoyant que le juge peut, par la même ordonnance, statuer sur la demande d'indemnisation1, la présente loi introduit une exception notable dans le cadre de la procédure des ordonnances pénales au point d'en dénaturer le sens et la portée. Cette disposition permettra en effet aux parties civiles de présenter leurs demandes sans que celles-ci puissent être contestées et discutées par les abonnés mis en cause. Un tel déséquilibre entre les droits de la défense et les droits de la partie civile met manifestement en cause l’égalité des débats et partant le droit à un procès équitable.
Ainsi et compte tenu de sa complexité, ce contentieux ne pouvait par nature être soumis à la procédure simplifiée des ordonnances pénales sans méconnaître les principes constitutionnels du respect des droits de la défense et de présomption d'innocence.
Plaise au Conseil, compte tenu de la gravité de la sanction consistant en une suspension de l’accès à Internet, d'exclure que le prononcé de cette peine complémentaire soit effectué dans le cadre de la procédure des ordonnances pénales.
Or, l'ARCEP, dans son avis sur le premier projet de loi expliquait que « l'application de cette nouvelle disposition sera limitée en pratique... En effet, dans les zones non dégroupées, il se peut que, dans certains cas, il soit difficile techniquement de maintenir au profit de l'abonné un service de téléphonie IP si, dans le même temps, l'accès à Internet est coupé. Or, en application des articles L. 33-1 et D. 98-4 du CPCE relatifs aux conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service, le fournisseur d’accès Internet est tenu notamment d’assurer de manière permanente et continue l’exploitation des services de communications électroniques et de garantir un accès ininterrompu aux services d’urgence. A défaut, celui-ci s’exposerait à des sanctions administratives et pénales »1.
cette sanction est d'autant plus disproportionnée qu'elle est assortie du maintien pour l'abonné de l'obligation de verser le montant correspondant à l'intégralité de son abonnement.
Autrement dit, la suspension est assortie d'une sanction financière dont le produit ne bénéficiera ni à la collectivité publique ni aux auteurs que la loi est censée protéger, mais au bénéfice exclusif de l'intérêt particulier des fournisseurs d'accès.
Le maintien de cette obligation de payer viole le principe de la légalité des peines (88-248 DC du 17 janvier 1989, cons. 36). En effet, la disposition contestée revient à instaurer une sanction financière dont elle ne détermine pas le montant et qui variera non pas en fonction de la gravité du manquement reproché, mais selon les dispositions contractuelles en vigueur entre l'abonné et son fournisseur d'accès, la privant ainsi de base légale.
L'enrichissement sans cause est un principe général du droit fondé sur l'exigence d'équité et de justice commun aux ordres juridiques judiciaire, administratif et communautaire.
Or, ici, l'enrichissement dont bénéficieront les fournisseurs d'accès et l'appauvrissement corrélatif des abonnés ne répondent en rien à l'intérêt général poursuivi par la loi qui vise à protéger les droits d'auteur. En effet, les sommes perçues par les fournisseurs d'accès ne bénéficieront en rien aux auteurs dont les droits ont été violés.
Par ailleurs, cette disposition est contraire au principe constitutionnel de la liberté contractuelle dont vous déduisez que " s'il est loisible au législateur d'apporter, pour des motifs d'intérêt général, des modifications à des contrats en cours d'exécution, il ne saurait porter à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen "
En effet, vous ne manquerez pas de constater que la suppression de la cause d'un contrat, qui est une condition essentielle de sa validité (cf. l'article 1131 du Code civil), constitue une atteinte d'une gravité manifeste aux contrats en cours d'exécution.
L’alinéa 6 du même article prévoit que la HADOPI est chargée de notifier aux FAI les sanctions prononcées par le juge et de s’assurer de sa mise en œuvre. Ainsi, le juge sera pris en tenaille par la Hadopi, en amont, puisqu'elle constituera le dossier visant à l'incrimination; en aval, puisque -exception notable- elle fera exécuter les peines prononcées. Alors que le considérant 28 de votre décision du 10 juin 2009 définissait le rôle de la Hadopi comme purement préparatoire à l’instance, plusieurs articles du texte enlèvent des prérogatives au juge de l’application des peines pour les confier à cette autorité qui notifiera aux FAI les suspensions, tiendra un fichier de suivi des suspendus et s’assurera que les peines ont bien été effectuées.
Or, en conférant à une autorité administrative le pouvoir de faire exécuter les peines, le législateur a manifestement méconnu le principe de séparation des pouvoirs proclamé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Constitue, en effet, une disproportion manifeste le fait de sanctionner une « négligence caractérisée » – notion dont le flou est au demeurant peu compatible avec le principe de légalité des délits et des peines – par une mesure portant une atteinte grave à une liberté fondamentale – la coupure de l’accès à l’Internet.
Il est en effet gravement disproportionné de sanctionner par une atteinte à une liberté dont votre jurisprudence la plus constante s’attache à consacrer le caractère fondamental pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions le fait de « négligence caractérisée ». Encore une fois, votre décision du 10 juin dernier s’est attachée à concilier des droits fondamentaux. Or, en portant atteinte à l’une des libertés les plus précieuses dans un Etat de droit au motif de l’existence d’une négligence, le législateur s’est écarté du point d’équilibre que vous avez établie.
De ce seul chef, la censure est encourue.
Pourtant, l'instauration d'une présomption de culpabilité, fut-elle adossée à une contravention, nécessite, afin de permettre votre plein contrôle, que le législateur définisse précisément l'incrimination ainsi créée.
En effet, une condamnation prononcée sur le fondement d'une négligence caractérisée exigera-t-elle que la preuve d'une contrefaçon soit apportée ? Une négligence caractérisée pourra-t-elle entraîner une condamnation sans que la réalité d’un dommage quelconque soit établie ? A défaut, sur quel élément matériel et intentionnel reposera cette infraction ? S'agira t-il du fait de ne pas avoir installé un logiciel de sécurisation de sa connexion ou de ne pas l’avoir activé ? Le législateur entend semble-t-il, sans néanmoins l'avoir rendue obligatoire, par ce biais imposer aux abonnés l’installation de logiciels dont les spécifications techniques ne sont pas encore connues. L'interrogation demeure entière sur le point de savoir comment l'abonné suspecté pourra établir qu'il n'a pas été négligent. Cette incrimination est d’autant plus dangereuse que la sécurisation d’un accès à Internet ne pourra jamais être totalement assurée et qu’elle expose de ce fait les abonnés à une insécurité juridique permanente.
De plus, dans le cadre du nouveau dispositif, seul l'abonné dont l'accès a peut-être servi à commettre un acte de contrefaçon, est susceptible d'être poursuivi et condamné puisqu'on ne peut lui substituer un tiers. Ici encore, seul l’abonné peut être sanctionné puisqu'il n'a pas la possibilité de s’exonérer de sa responsabilité en désignant l’auteur des échanges illicites. Si « l’élément matériel » est commun, la différence juridique entre le délit de contrefaçon et la négligence caractérisée empêche cette substitution exonératoire, même dans les hypothèses où l’identification d’un tiers auteur des actes de contrefaçon aurait été établie.
Or, la présomption de culpabilité instituée revêt un caractère irréfragable. Le législateur s’est tout simplement dispensé de dresser la liste des moyens de s’exonérer des sanctions prévues. L'abonné incriminé n'aura donc aucun moyen de dégager sa responsabilité.
L'instauration d'une telle présomption de culpabilité conduirait in fine à retirer au juge tout pouvoir d'appréciation, laissant l'essentiel de ce pouvoir entre les mains d'une autorité administrative dont vous avez rappelé qu'elle n'était pas une juridiction.
Ces considérations qui ont conduit le Conseil constitutionnel à constater dans sa décision du 10 juin 2009 que l’inversion de la charge de la preuve instituée conduisait à une présomption de culpabilité en méconnaissance des exigences résultant de l’article 9 de la Déclaration de 1789, demeurent pertinentes dans le cadre de la nouvelle loi soumise à votre contrôle.
Une sanction privative et restrictive de droit incompatible avec le régime de présomption de culpabilité.
NB : il faut tout lire (le courrier .doc) pour comprendre...
comme ils disent : "Pour ces motifs, plaise au Conseil de censurer ce texte"...
Dommage, ils ne parlent même pas d'interropérabilité du mouchard ... obligeant à être sous win... afin d'être "couvert" au cas où...