Salut à vous
Votre discution m'a inspiré un petit texte que je vous transmets donc.
moi a écrit
High Frequency Trading soit en français commerce à haute fréquence.
Acheter, vendre, acheter, vendre, acheter, vendre, le plus vite possible. Le top c'est d'arriver à vendre avant d'avoir acheter.
Non ? C'est de l'escroquerie ?
Mais m'sieur le juge à 1 pouième de seconde près j'avais bon. C'est mon algo qu'a du merder. Vous savez j'y connais rien à tout ça. Je préfère qu'on me traite d'incompétent plutôt que d'escroc. (Celui qui trouve qui a prononcé cette dernière phrase gagne un carambar)
Le juge, en général, sera bon enfant.
Bref le HFT c'est le rêve de tout épicier normalement constitué.
Imaginons le commerce à haute fréquence dans nos campagnes. Par exemple dans le petit bar/épicerie de mon village.
Dans sa manière délicieusement anachronique de pratiquer le tenancier sert, par jour, 12 cafés, 72 rosés et pastis, 18 demis, 2 saucissons, 1 tranche de pâté, 1 boite de sardines portugaises à l'huile d'olive, encore quelques rosés, quelques blancs, et quelques pastis et de manière aléatoire quelques paquets de cafés, de sucre, et autres denrées de 1ère nécessité. L'arriération est telle que le pauvre n'a même pas de statistiques de ventes précises, c'est dire.
Tour cela lui prend 12 heures de dur labeur, avec pour seule gratification, en plus d'un gain monétaire modique, la primeur des nouvelles les plus locales, et des comptes-rendus précis de l'état d'avancement de la pousse des champignons dans les bois alentour ou de la disparition, lente mais inéluctable, des truites dans l'étang d'à coté.
Imaginons donc que ce modeste villageois se lance dans le commerce à haute fréquence : 1 café, un rosé, 1café, 1 pastis, j'vous met le pastis dans le café, sucrez avec la tranche de pâté. Aie aie aie j'avoue que j'ai un peu peur des mouillettes de sardine dans mon café. Mais bon si c'est le progrès, on peut pas aller contre, faut bien savoir s'adapter.
A propos de haute fréquence, même sans aller jusqu'au giga hertz, en ½ heure il fait sa journée. Ensuite il va être la proie de l'oisiveté et même peut-être de l'alcoolisme. Et là nous avons un problème, même plusieurs problèmes.
Un problème linguistique tout d'abord. L'oisiveté c'est réservé aux riches. Un pauvre qui glande n'est pas un oisif, c'est un feignant. Mais un riche qui fait la même chose ne sera en aucun cas un feignant tout au plus un oisif. Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes.
Ca, lui il s'en fout, mais en ½ heure d'ouverture, comme ce peuple arriéré ne parle pas couramment SMS, on n'a pas le temps de se dire grand chose, et ne plus savoir quand sortent les morilles, ni s'il y a encore des truites dans l'étang, ça lui mine le moral, sans parler du vieux Pierre dont il n'a plus de nouvelles, ni des aventures coquines de la Jeanne qu'il suivait plein d'un intérêt un peu libidineux, il faut l'avouer.
Il finira par sombrer dans la dépression, fermera son estaminet, et terminera ses jours errant sur la place, tournicotant autour du monument aux morts en éructant de barbares anglicismes.
Quand à nous, les villageois, nous seront condamnés aux apéros tristement solitaires, et à 40 bornes pour 1 paquet de café. Ben ouai le progrès faut s'adapter.
Mais ça ce n'est pas la preuve que la haute fréquence est une mauvaise chose, non ça prouve juste que notre tenancier n'était qu'un pauvre plouc. Il n'avait pas été à l'école, de commerce évidement, ces nobles institutions, qui comme chacun sait, forment l'élite de la pensée, de la science, de la philosophie, bref de l'humanité. (et même des politiciens queutards : encore un carambar à celui qui trouve)
Son fils, repris le commerce, il sortait de HEC. Lui en tenancier éduqué il vit de suite vu dans un village de 500 habitants, même avec une grande proportion d'ivrognes, il lui fallait conquérir (oh le vilain terme guerrier) de nouveau marchés.
D'abord comme son père l'avait fait il optimisa les heures d'ouvertures : de 11h à 12h30 et de 18h à 19h30. Mais le reste du temps, il ne sombra pas dans l'oisiveté (Pour lui on peut le dire car il devint riche et comme en plus c'est dans une forme négative...). Au fait du hight tech lui, il se mit à vendre des sardines et apéro des virtuels (encore une merveilleuse invention : la virtualité, pas les sardines). Naturellement, comme il avait été à l'école de commerce, il se fit payer en argent réel. Enfin ça c'est qu'il à cru jusqu'à ce que sa banque fasse faillite.
Que croyez-vous qu'il advint ? Non il ne erre pas, à moitié fou, dans le village. Il est conseiller économique du 1er ministre et touche quelques jetons dans de grands conseils d'administrations.
Il faut dire qu'entre temps il avait quand même pu, s'acheter quelques bricoles dont une Mercédes (ses origines ploucs), quelques super marchés, et centrales d'achats.
Pour nous, au village, ça n'a pas changé pas grand chose. On n'avait plus de troquet ni d'épicerie.
L'émotion fut tellement grande qu'à la réunion suivante du conseil municipal, qui avouons le compte un certain nombre de piliers de bar, une décision fut votée à l'unanimité, une décision qui fut le fruit d'un réflexe archaïque courant dans nos campagnes, le fruit de l'obscurantisme légendaire des paysans : les subventions allouées à l'installation de l'internet haut débit furent annulées et ré-allouées à la création d'un bar/épicerie municipal.
Alors je vous écrit à 56k mais j'ai encore mal au crane de la soirée d'inauguration et j'suis sur que j'ai une ouverture avec la Jeanne.
PS: Darktomato est certe un libéral, disciple de Adams, avec lequel je fus rarement (jamais?) d'accord mais qui a une certaine culture et en tous cas écrit en français. Quand aux utilisateurs forcenés d'acronymes barbares mon expérience tends à prouver que c'est derrière cette barbarie qu'ils cachent leur incompétence.
PPS: Merci à Pierrecastor pour son mémo sur la pifométrie digne du collège de 'pataphysique.
PPPS: Quand on laisse le pouvoir réel à des épiciers comment s'étonner qu'on vive dans un monde d'épiciers. Et qu'il soit bien clair que j'utilise le mot épicier dans son sens le plus péjoratif (escroc inculte) et je ne vise nullement la corporation homonyme.