GR 34 a écritIl n'y a pas à chercher mais juste à constater une chose essentielle : tous les croyants de toutes les religions parle de leur dieu bon, généreux, gentil et tout et tout... Sauf que ce qui se passe sur Terre donc leur création n'a rien à voir avec ses bons sentiments présumés et que c'est horreurs, malheurs, souffrances, désolation.
C'est la fameuse question : si un Dieu parfait, infiniment bon, infiniment juste etc ...existe comment peut-il accepter le Mal, le Faux, l'Injuste et Cie... ?
Réponses possibles à deux niveaux
Niveau 1 = niveau le plus terre à terre, le nôtre quoi ! (et j'aurais envie de dire : que ce soit celui de l'homme
sans Dieu ou de l'homme
avec Dieu).
Avec beaucoup de bon sens, deux gars différents pourraient te répondre ceci :
Gars n° 1 : Moi le bon, le juste, le vertueux, comment voudrais-tu que je jouisse de toutes mes qualités si le Mal n'existait pas ? Et comment voudrais-tu que tous mes admirateurs apprécient mes qualités si leurs contraires n'existaient pas ?
Gars n° 2 : Moi le méchant, le salaud, l'odieux, le pervers comment voudrais-tu que je jouisse de toutes mes qualités si le Bien n'existait pas ? Et comment voudrais-tu que tous mes admirateurs les apprécient si leurs opposés n'existaient pas ?
Donc, le Bien et le Mal n'existeraient pas en soi. Ce ne serait
que par comparaison qu'on pourrait parler d'un bien et d'un mal. Et, si l'on prenait en compte l'idée de Dieu, on pourrait alors dire que, finalement, il n'aurait pas fait si mal les choses. Pourquoi ?
Ecoutons Thomas d'Aquin qui nous explique pourquoi la Providence n'aurait pas voulu supprimer certains maux ou imperfections dans les choses et les êtres :
« Beaucoup de biens seraient absents de la Création sans la présence de certains maux : par exemple, sans la malice de leurs persécuteurs, il n'y aurait pas la patience des justes ; et il n'y aurait pas de justes punitions s'il ne se commettait point de délits ; pareillement sur le plan de la nature, sans la corruption de l'un, il n'y aurait pas la génération de l'autre. Par conséquent, dans l'hypothèse d'une intervention providentielle pour supprimer totalement le Mal de l'Univers,
l'ensemble des biens serait diminué. »
Autrement dit : pas d'intensité du Bien sans intensité du Mal. (mais vice-versa aussi pour le salaud, flûte !) Mais bon, Thomas d'Aquin, en bon chrétien, croit quand même que, de toute évidence, le Bien est plus fort et l'emportera. Et nous, ça, on peut en douter ! mais c'est un autre sujet !
Niveau 2 = on essaie de prendre un peu d'altitude avec Spinoza ? Attention, là ça devient de la haute montagne ! (d'ailleurs la philo c'est quelque part un sport de haut niveau ! 😛)
Pour l'auteur de l'Ethique, si j'ai bien compris l
e Bien et le Mal n'existent pas en soi dans l'idée de Dieu. Ce n'est qu'à notre niveau d'entendement et de perception qu'on dit que les choses sont "bonnes" ou "mauvaises" en vertu de purs jugements de valeur qui sont les nôtres et rien de plus. Et puis, pour Spinoza, en fait, il ne peut y avoir de mal moral parce que le libre-arbitre n'existe pas pour l'homme. Ce qui existe sous nos yeux (tout ce qui se passe de bien comme de mal) c'est
le réel. Le réel qui
est. Mais il n'y a pas de différence entre le réel et le
possible (le possible = c'est à dire la manière dont nous -et Dieu- nous pourrions intervenir sur les choses pour les changer et les améliorer)
parce que cela n'aurait aucun sens dans un déterminisme total.
En fait, le mal, le bien, le juste l'injuste le vrai le faux perçus tels quels à nos petits niveaux ne seraient que le fruit de nos petites perceptions et de nos petits entendements mais ne concerneraient pas Dieu et seraient en fait même au-dessus de Dieu !
« Personne ne peut adresser de reproches à Dieu parce que Dieu lui a donné une nature faible ou une âme sans vigueur. Comme il serait absurde en effet que le cercle se plaignît parce que Dieu ne lui a pas donné les propriétés de la sphère, ou un enfant qui souffre de la pierre, parce que Dieu ne lui a pas donné un corps sain (…)
Rien de plus, en effet, n'appartient à la nature d'aucune chose que ce qui suit nécessairement de sa cause telle qu'elle est donnée. »
(Spinoza/Correspondance à Oldenburg)
C'est là d'ailleurs que je trouve que le déisme (déisme "officiel" : valait mieux l'afficher à l'époque :/) de Spinoza se confond au fond avec
une forme d' athéisme caché et officieux, voire même mieux : un nihilisme total si on le suit dans sa logique vertigineuse.
Pour Spinoza vouloir incriminer un homme qui commet le mal est aussi stupide que de vouloir incriminer un cyclone qui vient de causer des ravages et tuer des milliers d'innocents.
Edit : une remarque toutefois = la question du libre-arbitre est traitée de manière encore plus profonde et complexe chez ce philosophe et il conçoit quand même de « libres nécessités » (= concept paradoxal s'il en est !) à certaines échelles. Comment métaphoriser une "libre nécessité" concept qui est assez contradictoire ? Essayons quand même : nous serions des mouches dans une bouteille fermée (= le réel) Mais nous aurions quand même la possibilité de créer nos propres trajectoires...à l'intérieur de la bouteille... (= le possible) d'aller et venir librement...d'intervenir sur de petites choses, de les modifier...sans jamais pouvoir sortir de la bouteille bien sûr ! 😛