@ ares et godverdami
Rien qu’en me positionnant en tant que français moyen athée qui, comme vous je pense, ne se sent plus concerné par notre fond de religion chrétienne, je dirais que c’est vous qui faites une fixation complètement restrictive et dépassée de la notion de religion. À mes yeux, vous en êtes encore au fait religieux du Moyen-Âge, en somme, ou, à tout le moins à la religion fin XIX °, début XX° telle qu’elle était encore vécue et pratiquée alors en France.
La mort de la religion ne décrète nullement la mort du besoin de croire. Et elle se poursuit à travers la création de nouveaux mythes et de nouvelles idoles avec, curieusement parfois, un vocabulaire qui lui aussi continue d’être religieux.
Dans notre monde capitaliste, néo-libéral et matérialiste, par exemple, quelles idoles, quels mythes ?
La Consommation par exemple, et la Consommation de plus en plus pour la Consommation. En France, depuis les années 50, le plus grand nombre des gens ont déserté les églises mais n’importe quel sociologue assez futé ne peut que constater qu’ils fréquentent désormais les nouveaux
temples de la consommation que sont les grands centres commerciaux à la périphérie des villes. Et ces sociologues emploient comme à dessein ce mot
« temples » , parce qu’ils ressemblent bien à des temples !
Mais il en est d’autres, des mythes, pour d’autres catégories d’hommes. Pour eux ce peut être l’Économie. Ils ne voient que ça. Et leurs « experts » (des gens comme Nicolas Bouzou ou Pascal Perri ou François Lenglet, pour ne pas les citer) ont leurs habitudes dans tous les médias mainstream à nous bourrer le crâne avec leurs statistiques. On pourrait les comparer à de nouveaux prêtres en train de prêcher pour leur paroisse néo-libérale à répéter leurs mantras comme quoi il n’y aurait pas d’autres alternatives que leurs discours et leurs solutions.
Il y a aussi le mythe de l’Éternelle Croissance. Comme si nous pourrions croître indéfiniment.
Tiens, c’est un autre aspect, mais je me souviens aussi d’une époque où l’on parlait de Johnny comme
l’idole des jeunes.
Et il y a aussi les nouveaux mythes et horizons indépassables de la Science, de la Technique et du Progrès qui souvent libèrent heureusement, mais qui peuvent parfois aussi plus enchaîner que libérer. En ce moment, on est tous peu ou prou en plein dedans. Moi le premier, d’ailleurs. Mais j’essaie parfois de réfléchir et de me dédoubler en me demandant, par exemple, en matière de photographie : quels progrès réels en matière de photo quand on voit la technicité incroyable qui accompagne toute expertise d’un nouvel APN ? O.K je ne me vois pas revenir à l’époque de l’argentique et du temps passé en labo, dans le noir (quoiqu’il y avait une certaine magie aujourd’hui disparue à voir « naître » lentement une photo dans le bain du révélateur). Oui mais aujourd’hui aussi j’y passe des heures. Rien qu’à me prendre la tête en expertises techniques
avant l’achat d’un nouvel APN .
Mais aussi au niveau du temps passé pour une seule photo que j’essaie d’optimiser. J’y passe parfois des heures ! Alors des fois je me questionne : quel progrès au fond s’il s’agit d’en arriver à se demander quelle différence au fond entre une photo des années 2000 et une photo des années 50 ? C’est toujours une photo ! Parce que tout ce bazar techno dont on dispose aujourd’hui , ça sert à quoi, au fond ? À faire des photos, nom d’une pipe ! Mais on en fait depuis assez longtemps des photos et je ne suis pas sûr, qu’en valeur absolue, celles d’un amateur des années 50 avec son matos basique vaille moins que celles d’un amateur même niveau en 2019, avec tout son attirail technologique inclus dans un petit smartphone actuel ! (Voilà, sucarno, à quoi peut servir la philosophie, entre autres = à mettre les choses en perspective pour en arriver à des constats profonds et de grande valeur ! )
Pour aller encore plus au coeur des choses, Michel Serres qui nous a quittés il y a peu a dit un jour : « il n’y a pas pire mythe qu’une science débarrassée de tout mythe. » À méditer. On n’en sort pas du besoin de mythes !
Mais ce n’est pas tout. Les gens qui souffrent aujourd’hui ne vont plus se confier au prêtre du coin comme dans les années 50 mais ils en élisent d’autres en confiant leurs soucis aux psychiatres, aux psychologues et aux psychanalystes. Il faut réfléchir à tout ça : à qui on accorde notre confiance aujourd’hui par rapport aux prêtres d’antan… Et même quand on finit par constater que ces nouveaux prêtres peuvent devenir de nouveaux charlatans on aura toujours besoin d’aller investir nos espoirs et notre confiance ailleurs : qu’est-ce qui peut rester au bout du bout si ce n’est peut-être que le cercle restreint de la famille, de ses enfants, par exemple, les nouveaux cocons ?
John Lennon a dit un jour : « Nous sommes plus populaires que Jésus. » Oui mais : les Beatles ont eux-mêmes été adulés comme des idoles !
Il a dit aussi quelque chose que je trouve très profond : « God is a concept by which we measure our pain. »
Et puis, il y a ces paroles qui suivent…
God is a concept
By which we measure
Our pain
I'll say it again
God is a concept
By which we measure
Our pain
I don't believe in magic
I don't believe in I-ching
I don't believe in Bible
I don't believe in tarot
I don't believe in Hitler
I don't believe in Jesus
I don't believe in Kennedy
I don't believe in Buddha
I don't believe in Mantra
I don't believe in Gita
I don't believe in Yoga
I don't believe in kings
I don't believe in Elvis
I don't believe in Zimmerman
I don't believe in Beatles
I just believe in me
Yoko and me...
… Et qui montrent quoi au juste ? Que la mort des religions ne tue pas le besoin de croire et de se créer de nouveaux mythes.
À toi John !