Bonjour
Merci à jnq de son appréciation que je devine un peu ironique... C'est un sujet qui m'intéresse. On dit d'ailleurs que quand on aime, on ne compte pas et que quand on aime bien, on châtie bien... Alors, il n'y a pas lieu de s'étonner. 😛
L'évolution historique des organisations humaines est un sujet complexe, je n'en doute pas. Mais enfin, ce fil a un sujet : il s'agit de la critique du cycle semestriel d'Ubuntu et des propositions de changement exprimées dans l'étude de S.J.R. Si l'on veut en débattre, il est naturel de se demander s'il a tort ou raison et , au cas où il aurait raison, s'il est possible de modifier ce cycle et de quelle façon.
Mon avis est que, bien qu'il ait raison, il ne sera pas malheureusement pas possible de le modifier. Merci de me donner l'occasion de reprendre une nouvelle fois mon argumentation.
1. Le contexte : une situation de déclin
Ubuntu avait suscité un énorme espoir lors de sa création et un véritable engouement parmi ses fans. En moins de deux ans, Ubuntu avait pris très nettement la tête de toutes les distributions Linux. Il avait même tenté Dell à une certaine époque (influencé par les résultats d'un sondage planétaire).
Depuis quelques années déjà, cette dynamique s'est enrayée comme le confirment aujourd'hui plusieurs évaluations concordantes. Ubuntu au mieux plafonne, voire décline. Ceci est pour moi un
premier fait.
C'est une situation à la fois inquiétante et surprenante sur laquelle il est légitime de s'interroger. Comment se fait-il qu'un logiciel non seulement gratuit mais sponsorisé n'arrive plus à progresser ? En fait, ce qui est surprenant, n'est pas qu'une critique se fasse jour, c'est qu'il ait fallu aussi longtemps pour en lire une venue de l'intérieur d'Ubuntu. C'est dans ce contexte que l'étude de S.J.R. entre en ligne de compte.
2. Le cycle semestriel est-il nocif ?
Pour la petite histoire, le constat de la nocivité du cycle semestriel n'est en rien une nouveauté. Des observateurs extérieurs l'avaient déjà fait il y a
plus de deux ans. Il aura cependant fallu attendre la fin de mandat du seul membre du bureau technique d'Ubuntu qui n'appartienne pas à Canonical pour lire une telle critique émanant de l'intérieur.
Elle en valait la peine. Elle nous donne sur le mode de fonctionnement de Canonical des informations concrètes que seul un membre de son niveau pouvait donner. Je ne veux pas la répéter ici mais son constat est sans appel : le cycle semestriel joue un rôle nocif dans le développement d'Ubuntu. L'étude de Remnant, qui a quand même été directeur d'Ubuntu pendant plusieurs années me semble suffisamment documentée à cet égard. Je considère son constat comme un
deuxième fait.
Ubuntu n'a pas réussi au cours de ces dernières années à se construire une réputation de fiabilité d'horloge suisse à la Red Hat et a vu sa base d'utilisateurs s'éroder. Au lieu d'une politique ayant pour but de fidéliser ses utilisateurs, nous avons assisté à une véritable course à l'échalote, à des soubresauts incessants. L'exemple très récent du développement d'Unity et de la Logithèque, hachées par un calendrier aberrant, reproduit à nouveau ce schéma.
On s'est interrogé sur les raisons du maintien d'un tel cycle. Il me semble que les objectifs mercantiles (et notamment la nécessité de nourrir le marketing) ont probablement entravé la recherche méthodique de la qualité. Il peut y avoir d'autres causes que j'ignore.
Quoi qu'il en soit, il est clair que l'on a confondu vitesse et précipitation. S.J.R a clairement identifié une cause objective à une situation insatisfaisante. C'est l'objet de ce fil. Ne me reprochez pas de m'y tenir.
3. Quel rôle joue le dictateur ?
Or, il se trouve que, bien qu'une cause nocive ait été clairement identifiée, rien ne changera probablement à cause d'un homme qui détient seul le pouvoir de décision à ce sujet et qui est, de toute évidence, d'avis opposé. Cela aussi constitue un
troisième fait.
M.S. dispose à titre personnel d'un pouvoir exclusif dû à son argent et à sa double casquette. Il est à la fois le propriétaire de Canonical (même s'il n'en est pas le C.E.O) et le « dictateur » d'Ubuntu (ne vous choquez pas de cette appellation, c'est le titre officiel qu'il s'est choisi).
Relisez donc ce que nous indique S.J.R. Bien qu'il ait rendu compte
à de multiples reprises que ce schéma (le cycle semestriel) conduisait à précipiter la publication de nouvelles fonctions avec les conséquences fâcheuses qu'il énumère, rien n'a changé chez Ubuntu. Mais pourquoi donc ? Qui donc était au-dessus de lui? Qui avait le pouvoir de modifier ce cycle ? Il ne faut pas chercher bien loin.
Ubuntu est lié étroitement à Canonical à cause de l'argent de M.S. Et ce dernier en est le maître. Son attitude constitue aujourd'hui un frein objectif au développement de sa distribution en raison à la fois de son pouvoir de décision et de sa passion déclarée pour le cycle semestriel.
Le fait qu'il y ait sûrement de par ce vaste monde, d'autres dictateurs, incontestablement plus méchants, n'est pas pertinent. Je n'accuse pas M.S. de crimes contre l'humanité. Je ne réclame pas son exécution ou son départ. Il peut sans doute avoir par ailleurs d'énormes qualités humaines, un idéalisme séduisant, un charisme de bête de scène, des talents en matière de relations publiques, que sais-je ?
Je lui demande simplement de changer d'avis à ce sujet, de cesser enfin d'être comme il se qualifie lui-même, « l'avocat passionné du cycle semestriel », parce que sur cette affaire là, non seulement il a tort mais il porte préjudice à Ubuntu.
Une telle décision permettrait-elle à coup sûr de redresser la barre ? C'est loin d'être sûr et honnêtement, je ne le sais pas. Cela pourrait faire l'objet d'un autre débat. J'avais déjà essayé à ce sujet de mettre en
perspective l'évolution d'Ubuntu de façon plus globale.
Si elle n'est pas suffisante, cette réforme est en tout cas dès à présent nécessaire et ne saurait être différée plus longtemps.